Chacun ses pauvres

Il y très longtemps, un clochard alsacien s’est approprié le petit parking près de chez moi. Il indiquait s’il y avait de la place et éloignait les voleurs, fort nombreux à l’époque. Et puis il a disparu et depuis quelques années, il est remplacé par un Rom qui rend de nombreux services. Il sait pour combien de temps les voitures se garent, combien il faudra patienter pour avoir une place. Il prévient les commerçants proches du passage des contractuels. Bref, il fait utilement partie de l’environnement.

Comme certains voisins, je lui donne beaucoup de choses, des vêtements, des pansements, des repas au moment des fêtes, du café en hiver. Son seul défaut est de geindre quand il réclame de l’argent mais je crois que c’est une stratégie apprise pour apitoyer. Alors je ne lui donne jamais la pièce qu’il réclame aux automobilistes qui arrivent sur le parking mais un billet à certaines occasions et j’espère qu’il comprendra que plus il geint, moins il recevra. Je choisis de le soutenir parce qu’il s’est intégré à notre communauté de quartier en participant à notre vie.

Et je me suis surprise à me demander ce que faisait là un pauvre bougre aviné qui tentait de gérer le parking. J’ai ressenti un élan de solidarité pour notre Rom qui s’était absenté ce jour là pour se faire soigner alors qu’il est présent quel que soit le mauvais temps.

Je ne donne jamais d’argent aux grosses structures qui en dépensent la plus grande partie pour leur fonctionnement. J’ai « mes pauvres » avec qui l’argent n’est qu’une manière parmi d’autres de les soutenir. Et j’aime à penser qu’ils le ressentent ainsi, que la chaleur humaine leur est aussi précieuse que quelques billets.

Qui sont nos pauvres ? Comment les soutenons-nous ? Quels sont nos critères de choix ? Et quels souvenirs d’enfance cela fait-il remonter en nous ?

Une petite promenade introspective intéressante, non ?