Provocation

Imaginez que vous vivez en couple.

Votre conjoint vous achète systématiquement les fleurs que vous détestez. Il vous propose toujours la mer alors que vous n’aimez que la montagne. Il ne s’achète que des pantalons en velours alors que vous détestez ça. Il vous reprend sur chaque petit détail qui vous agace. De votre côté, vous lui cuisinez chaque jour ce qu’il déteste le plus. Il aime vous voir en robe et vous ne portez que des pantalons. Vous mettez systématiquement de la musique classique en rentrant alors qu’il n’écoute que du rock. Il est obligé de regarder le programme télé que vous choisissez.

C’est à celui qui provoquera le plus l’autre, à chaque occasion.

C’est bon, les exemples suffisent, vous voyez le tableau ?

On appelle cela mettre de l’huile sur le feu, faire en sorte que les relations empirent si tant est que ce soit encore possible. Provoquer le plus crûment possible. Exprès.

A-t-il le droit de vous assassiner pour autant ? Bien sûr que non. Vous non plus d’ailleurs…

Ceci est une métaphore de ce qui se passe entre Charlie hebdo et les musulmans. Les caricatures, c’est de la méga provocation puisque pour les musulmans, il est inconcevable de représenter le prophète et en particulier son visage. C’est comme ça, ça fait partie de leurs croyances. Et ce qui est inconcevable attise la haine, creuse le fossé, sépare irrémédiablement.

On pourrait ironiser sur cette religion comme sur les autres, sur les intégristes de tous bords, sur tout ce qu’on peut imaginer sans pour autant aller toucher l’intouchable, l’inacceptable pour l’autre.

On pourrait imaginer provoquer pour soulever les consciences, exercer pleinement sa liberté d’expression sans pour autant susciter l’irréparable. C’est une question de respect, de priorité.  

Si je pousse mon conjoint à bout au quotidien, je peux m’attendre à des représailles plus ou moins mesurées selon son intelligence et sa capacité émotionnelle. Quoi qu’il en soit, je serai co-responsable du devenir de notre couple.

Difficile bien sûr pour Charlie de ne pas proposer une caricature du prophète à la une du premier numéro. Ce serait passer pour des lâches, céder aux terroristes.

Possible peut-être pour les parutions suivantes de réfléchir aux priorités. A comment chacun se définit. Quelle identité ils se reconnaissent en dehors de la provoc systématique.

Faire plus de plus, voilà un travers qu’il n’est pas facile d’éviter.