Lettre à la petite fille oubliée
La femme que je suis aujourd’hui s’inquiète et se désespère d’accueillir un jour la vie.
Et je recherche au fond de moi la digue érigée pour me protéger de moi, pour protéger surtout la petite fille qui m’habite encore et que j’ignore.
Aller à la rencontre de toi est douloureux. Je sens monter en moi la houle de mes peines, les pleurs de la nuit, les regrets, les manques et les nœuds dans ma gorge.
Me remontent à la tête et au cœur les souvenirs heureux qui rendent les vides plus douloureux encore.
Me reviennent en mémoire aussi les paroles du vieux sage " quand on n’a pas de père, on n’a pas de maman " et je pleure sur toi, ma petite fille enfouie.
Petite fille écartelée, penchée à droite pour plaire, à gauche pour ne pas déplaire, oscillante, inquiète et déchirée.
Et je me souviens des promesses que je t’ai faites, des rêves que j’ai nourris et des messages entendus. Je t’ai rêvée en femme parfaite, en top modèle du corps et de l’esprit.
J’ai imaginé les désirs de mon père et les rêves de ma mère et je les ai rejoints au plus profond de moi.
Penchée, je me suis penchée, décentrée de mon âme, de mon axe, en exil de moi.
Il est temps aujourd’hui de naître à moi enfin, en sortant de mes peurs, de mes croyances erronées, de la violence que je m’inflige, des discours et des désirs de l’autre sur moi.
Il est temps enfin de naître au respect de moi, à ma parole, à mon autonomie.
Temps de me reconnaître dans mes propres désirs, dans les choix issus du plus profond de moi,
dans ma propre parole.
Temps enfin de m’habiter jusqu’aux confins de moi en m’unifiant à toi, ma petite fille enfouie.
Ce n’est qu’alors, dans la quiétude retrouvée, que nous pourrons tisser, ensemble, le nid d’une autre histoire.
Histoire à suivre, histoire à vivre, à mon heure, pour laisser sortir de moi, agrandir et accompagner un enfant vers tous ses possibles.